Brut, doux, sec ou demi-sec : le guide pour comprendre les champagnes
Comment distinguer les champagnes et quelles sont leurs singularités. Rencontre avec Audrey Jacquart, Responsable Qualité et œnologue chez Nicolas.
Brut, doux, sec ou demi-sec, on pourrait s’y perdre. Pourquoi doser différemment un champagne, quel intérêt y a-t-il à distinguer ses bulles ? Qu’est-ce que le nez ou la robe d’un champagne indique ? Sera-t-il plus ou moins torréfié, acide, aux notes d’agrumes… Autant d’interrogations éclairées par Audrey Jacquart, œnologue chez Nicolas, célèbre maison caviste depuis 1822. Elle nous aide à comprendre les champagnes, idéal pour développer ses connaissances en la matière, voire, pourquoi pas, passer pour un expert à votre prochaine réunion de famille.
Comment se crée le champagne ?
L'élaboration du champagne se fait en plusieurs temps. Tel un art, Audrey Jacquart précise « le premier temps concerne l'élaboration du vin de base, le vin blanc qui va servir à faire le champagne. Il s’agit alors généralement d’un vin assez acide. Sont ajoutés ensuite les levures et le sucre. Les levures servent à "manger" les sucres, ce qui apporte du degré supplémentaire à l’alcool et forme la bulle. Vient ensuite l’étape de repos, que l’on appelle le vieillissement. Celui-ci dure minimum 15 mois pour les champagnes dits "non millésimés" et minimum 36 mois pour les champagnes dits "millésimés".
Le vieillissement
« Il n’y a pas de limite dans le temps en soi ». La raison ? Les levures qui ont transformé les sucres en alcool, et donc produit du gaz, se dégradent et produisent des molécules très complexes, qui apportent toute la finesse, le côté gras et élégant au champagne. » Plus un champagne vieillit, plus celui-ci sera subtil. L’experte en vins poursuit, « l’élaboration du champagne ne s’arrête pas là ».
Le remuage
Une fois la durée de vieillissement atteinte, « vient l’étape du remuage, qui consiste à mettre le dépôt de levure dans le goulot. Une étape qui demande de la patience, puisqu’il faut que toutes les particules s'agrègent dans le bouchon. ». Une préparation pour la prochaine étape qui consiste à placer les bouteilles « tête en bas, sur des pupitres en bois, et sur lesquels elles vont être tournées et ainsi remuées. Une fois que l’on estime que la totalité du dépôt est arrivé dans le bouchon, on peut passer à l’étape intermédiaire entre remuage et dégorgement : le glaçage.
Le glaçage
Le glaçage consiste à « glacer » le bouchon, chargé des dépôts du champagne pendant le remuage. Le but étant d’éliminer toute trace de levure dans la bouteille, en la plongeant dans un liquide réfrigérant, jusqu’à -27°C.
Le dégorgement
Vient la dernière grande étape qu’est le dégorgement, moment où l’on évacue le glaçon de la bouteille.
Le dosage
« Enfin, la touche finale, on ajoute une liqueur d’expédition, un mélange de vieux vin et de sucre ». L’experte poursuit, « il arrive que l’on ajoute uniquement du vin, pour créer un champagne « brut nature », sans ajout de sucre autre que ceux naturellement présents. À partir du moment où l’on en ajoute, le champagne devient brut, à partir de 6 à 12 g de sucre / L. » Ce dosage pouvant aller jusqu’à 50g de sucre par litre, et un champagne dit « doux ».
Sur ce temps d’élaboration, le champagne développe de multiples saveurs. Comment distinguer les différentes catégories et les comprendre, Audrey Jacquart nous guide.
Distinguer les catégories de champagnes
Le champagne se catégorise en trois classifications : selon sa durée d’élevage, le sol de sa production et son cépage.
Identifier les types de champagnes
« En type de champagne, on retrouve les « millésimés » et les « non millésimés ». Les non millésimés sont ceux qui n'ont pas d’année, aucune date n’est indiquée. On les appelle les « bruts sans année ». Ce type de champagne concerne la plus grosse catégorie, issu de plusieurs millésimes, un puzzle de plusieurs cuvées. Les assembler garantit un style de champagne, la signature de la maison qui l’a élaboré. ». En face, ce sont les « millésimés », des champagnes intégralement élaborés à partir de raisins d'une même année, indiquée sur l’étiquetage.
Identifier un premier cru d’un grand cru
Ensuite, il existe les « premiers crus » et « grands crus », distingués selon l'aire de production. « Une caractérisation des parcelles attribuée selon le sol et la géographie de l’élevage, puisqu’elle apporte un certain équilibre et une complexité à chaque vin. »
Identifier les catégories de champagnes
Venons-en aux catégories de champagnes, celles qui dicteront en partie leur caractère en bouche. Selon l’experte, quatre catégories s’en distingue. « Parmi les champagnes, on catégorise le blanc de noir, issu de raisins à pellicule noire et à jus blanc. Il s’agira principalement d’un champagne à base de pinot noir et pinot Meunier. Ensuite les blancs de blanc, principalement issus du cépage Chardonnay, un raisin à peau blanche et à jus blanc. Ensuite, on retrouve les blancs, qui sont un assemblage possible de tous les cépages de Champagne. C’est-à-dire, les trois cépages principaux : pinot noir, pinot Meunier et Chardonnay. Enfin, on distingue le champagne rosé, un champagne auquel on ajoute, soit une toute petite quantité de vin rouge coteau champenois, qui lui donnera sa couleur singulière, soit, comme certaines maisons le font, des « champagnes de saignée ». On prélève alors du jus sur une cuvée de vin rouge. »
Une fois la bouteille en main, notre flûte remplie, vient le moment d’analyser notre champagne.
L’art d’identifier un champagne
De manière générale, on observe un champagne par la robe et la bulle, identifiée à la vue. S’en suit le nez du champagne, étape d’appréhension des sensations que procurera le champagne au palais, « l’attaque », cette première sensation en bouche. « Cette dernière sera plus ou moins acidulée, plus ou moins tendre, moelleuse, selon le dosage en sucre. » Se révèle ensuite toute la palette aromatique, « qui se développe en bouche et sera plus ou moins longue, selon la finesse du champagne et sa complexité, identifiée au nez ».
Lire le champagne à l’œil jusqu’au nez
Avant toute chose, comme évoqué plus haut, on analyse le champagne en l’observant. Audrey Jacquart explique, « les premiers éléments qui décriront le mieux un champagne seront la robe (son apparence) et la bulle ». De premiers indicateurs majeurs sur l’âge du champagne, lui-même annonciateur d’un champagne plus ou moins léger. Tout un art !
La robe du champagne, à la fleur de l’âge
La robe désigne la couleur, brillance et transparence du champagne. « Plus un champagne est « jeune », plus on ira vers des reflets verts, une couleur claire. Plus un champagne est « vieux », plus on ira vers des reflets dorés, une couleur foncée, c’est propre à chacun ». Une première indication aussi sur le goût du champagne, puisque, « plus un champagne est évolué, plus on retrouvera des notes grillées, comme de fruits confits par exemple. Tandis que, plus la robe est jeune, plus on gardera des notes d'agrumes, de fruits frais. »
La bulle du champagne, gage de qualité
Le champagne pétille et scintille, à l’image de ses bulles. Ces dernières sont particulièrement fines ? « C’est un signe de qualité », nous explique Audrey Jacquart. Pour cause, au fur et à mesure que le champagne vieilli en cave, sa bulle s’affine, « à l’inverse, si vous observez une bulle plus ronde et grosse, c’est un jeune champagne ». Vers lequel se tourner ? Tout dépend de la préférence de chacun. Les bulles ne se contentent pas d’être un plus à l’apparence de ce vin festif, elles impactent l’ensemble du champagne. Un indice à ne pas négliger, puisqu’il donne une indication sur sa légèreté. « Les bulles impactent tout ce qui concerne la sensation au palais. Une grosse bulle annonce un champagne plus agressif. Avec une bulle fine, on aura une sensation de légèreté, voire de crémeux. » En bouche, le champagne nous transporte. Pour en apprivoiser en profondeur la saveur, vient l’étape du « nez du champagne ».
Frais ou minéral, distinguer le goût par le nez
On appelle « nez du champagne » ce qu’on perçoit à l’odorat au-dessus de la flûte. « Après avoir observé la robe et la bulle à l’œil, vient le style du champagne, que l’on saisit au nez, et qui se prolonge généralement en bouche ». Identifier le nez du champagne, c’est saisir si celui-ci sera plutôt frais ou minéral.
On distingue trois catégories principales de nez de champagne, et donc de variantes de goûts : « ceux plutôt sur des notes de fruits confits, d'agrumes, ou sur la minéralité. »
On dit d’un champagne torréfié un champagne dont le nez sera « sur des notes grillées, d'amande ou cacahuète, de fruits confits ou d’abricots secs. » Une connotation hivernale et épicée « plutôt réservée aux champagnes vieillis. »
Quant aux champagnes plus jeunes, « ils seront plus acidulés, aux notes d’agrumes. Un nez qui dévoilera alors des airs de fleurs blanches, comme de buis, de fougères. » En somme, des notes plus printanières.
Enfin, le troisième nez, le minéral. Celui-ci se distingue par des notes plus iodées.
Le nez est donc une première indication du goût qu’aura le champagne. Un goût qui, par ailleurs, « se développe entièrement naturellement, sans aucun ajout de matières » précise Audrey Jacquart.
Cépage, dosage… quels sont-ils ?
Pinot noir, Meunier ou Chardonnay … les cépages du champagne
En matière de goût, « tout se joue sur la durée d’élevage, mais aussi le raisin utilisé ». Le champagne étant un vin d’assemblage, chaque « cépage », la variété de plant de vigne, connotera différemment le goût du champagne et sa finesse. Pinot noir, pinot Meunier et Chardonnay en sont les principaux. Audrey Jacquart précise, « Le pinot noir représente 37% du vignoble champenois, le pinot Meunier 32% et le Chardonnay 30%. Ensuite, le dernier pourcentage du vignoble est planté en pinot gris, blanc, petit meunier et arbane. De tous petits cépages dont on ne parle pas nécessairement puisqu'ils sont en grande minorité, généralement noyés dans la masse ». On qualifiera de champagne « monocépage » quand seulement un seul cépage a été utilisé. Comme cité plus haut, « le blanc de blanc par exemple, est un monocépage, élaboré seulement avec du Chardonnay. ». Un champagne souvent plébiscité pour cette caractéristique qui le rend particulièrement fin, jusqu’à être considéré, pour certains, comme « le plus prestigieux des cépages ».
Brut, doux, sec ou demi-sec… le dosage du champagne
Enfin, vient le dosage, la touche finale à la création du champagne, presque une signature. Du doux au brut nature, « les dosages sont multiples, ils représentent le grammage de sucre que l’on ajoute au champagne, sous forme de « liqueur d’expédition », un mélange de sucre et de vieux vin. Chaque dosage dépendra de l’identité que veut donner la Maison. » Quel intérêt à doser un champagne ? L’experte répond : « le dosage caractérise le champagne et lui apporte une singularité particulière, le même champagne, avec ou sans dosage, sera totalement différent. ». Au même titre qu’il existe différents cépages, les dosages, eux, sont répartis en sept appellations :
Le champagne doux, (50 g de sucre / l)
Le champagne demi-sec (32 à 50 g de sucre / l)
Le champagne sec (17 à 32 g de sucre / l)
Le champagne extra-sec (12 à 17 g de sucre / l)
Le champagne brut (6 à 12 g de sucre / l)
Le champagne extra-brut (0 à 6 g de sucre / l)
Le champagne brut nature (0 à 3 g de sucre / L)*, dont les seuls sucres contenus sont des sucres « naturellement présents dans le vin, sans ajout de liqueur » conclut l’experte.
Des dosages renseignés sur toutes les étiquettes qui apportent toute la gourmandise à ce vin pétillant.
À quoi reconnaît-on un bon champagne ?
Lorsqu’on lui demande quel champagne les grands amateurs et connaisseurs de champagne préfèrent, la réponse est sans équivoque : « les champagnes aux fines bulles. Un bon champagne dévoile une bulle très fine et une très belle longueur en bouche. Peu importe s’il est fruité, minéral, torréfié, millésimé ou non, c'est la finesse de la bulle et la longueur qui comptent. »
« La finesse de la bulle et la longueur en bouche
sont les deux éléments clé
d’un bon champagne »
En somme, cet art se savoure et se partage, de l’œil au palais, pour de sublimes et inoubliables dégustations.
À consommer avec modération.